Le fleuve Massacre est devenu le protagoniste du dernier conflit territorial entre la République dominicaine et Haïti, en raison de la construction d’un canal par ce dernier pays. Ce fleuve coule depuis la République dominicaine et sert de frontière naturelle entre les deux pays, la construction du canal étant condamnée par le gouvernement dominicain.

 

HAÏTI ET LA RÉPUBLIQUE DOMINICANE AU FIL DES ANS: UN CONFLIT LATENT

La relation entre Haïti et la République dominicaine a été tendue et complexe au fil des ans, marquée par des conflits politiques, économiques et sociaux. Nous pouvons en retracer l’origine dans la colonisation européenne et la division politique de l’île d’Hispaniola au XVIIe siècle, lorsque la France et l’Espagne ont commencé leurs conflits pour le contrôle de l’île. Alors que Haïti français a obtenu son indépendance le 1er janvier 1804, Haïti espagnol, qui a précédé la République dominicaine, a fait de même le 1er décembre 1821.

Au début du XXe siècle, les deux pays ont été occupés par les États-Unis entre 1915 et 1916. C’est au cours de cette première moitié de siècle que l’on trouve le Traité frontalier de 1929, signé par Horacio Vásquez et Luis Borno, qui délimitait la perte de 6 200 kilomètres carrés, soit 8 % de son territoire. Cet accord a été ratifié par la suite par Trujillo et Sténio Vincent en 1936. Cette cordialité apparente a été complètement anéantie par l’incident frontalier de 1937.

Le 2 octobre 1937, le dictateur dominicain Rafael Leónidas Trujillo Molina ordonna à son armée de tuer tous les «Haïtiens» qui vivaient à la frontière nord-ouest de la République dominicaine, qui borde Haïti, et dans certaines parties de la région adjacente du Cibao. Ce massacre s’est déroulé pendant plusieurs jours et on estime qu’entre 15 000 et 30 000 Haïtiens ont été tués, y compris des femmes, des enfants et des personnes âgées. Les corps ont été jetés dans les rivières ou enterrés dans des fosses communes.

Les raisons du massacre ne sont pas claires. Trujillo affirma qu’il tentait de protéger la souveraineté dominicaine de l’immigration haïtienne illégale. Cependant, certains historiens pensent que le massacre était un acte de racisme et de xénophobie. Le massacre a provoqué une indignation internationale. Le gouvernement des États-Unis, qui avait soutenu Trujillo, a condamné le massacre et exigé qu’une enquête soit menée. Trujillo a refusé de coopérer à l’enquête et le gouvernement des États-Unis a finalement retiré son soutien.

Le massacre a eu un impact dévastateur sur les relations entre les deux pays. En 2013, le gouvernement de la République dominicaine a reconnu le massacre et a présenté ses excuses à Haïti. Cependant, la blessure est toujours ouverte et les relations entre les deux pays restent fragiles.

 

L’INTERVENTION SUR LA RIVIÈRE MASSACRE ET LA CRISE HAÏTIENNE

L’intervention récente d’Haïti sur la rivière Massacre a suscité des tensions des deux côtés de la frontière. Le président de la République dominicaine, Luis Abinader, a ordonné la fermeture de toutes les frontières avec Haïti après plusieurs jours de réunions entre fonctionnaires des deux pays qui tentaient de parvenir à un accord sur le conflit d’accès à l’eau de la rivière Massacre.

De son côté, le gouvernement haïtien a défendu sa position en affirmant que le pays «peut décider souverainement de l’exploitation de ses ressources naturelles» et qu’il a le plein droit d’effectuer des prélèvements d’eau, conformément à l’accord de 1929. Les autorités haïtiennes ont assuré qu’elles favoriseront toujours le dialogue, tout en exprimant leur mécontentement face à l’annonce unilatérale de la fermeture des frontières par le président dominicain.

Après avoir envoyé un message de calme à la population haïtienne, le gouvernement a annoncé qu’il prendrait toutes les mesures nécessaires pour que l’irrigation de la plaine de Maribahoux soit effectuée conformément aux normes sous la supervision des ministères compétents. Il a ensuite exprimé son souhait de protéger les vies et les biens des deux côtés de la frontière délimitée par la rivière Massacre, ainsi que le respect des conventions internationales sur la question qui ont été prises comme référence jusqu’à présent.

De son côté, l’Organisation des États américains (OEA) a promu le dialogue entre les parties pour trouver une solution au problème. La condition principale du gouvernement de la République dominicaine est de freiner la construction du canal sur la rivière Massacre. Cependant, il existe des opinions divergentes sur la réponse de l’OEA. La vice-présidente de la République dominicaine, Raquel Peña, a déclaré que la réponse de l’OEA est très satisfaisante pour le pays, car ce que le gouvernement recherche est la communication entre les deux nations. D’autre part, Wilson Gómez, président de l’Institut Duartiano, a déclaré que l’OEA n’a pas suffisamment de crédibilité pour être médiatrice auprès du peuple dominicain en raison de l’attitude que cette institution a adoptée dans d’anciens conflits avec Haïti.

Luis Abinader Corona, le président dominicain, a appelé la communauté internationale à s’attaquer d’urgence à la crise haïtienne, affirmant que le pays fait face depuis des années aux conséquences de l’instabilité de ce pays et de la République dominicaine pratiquement sans aucun type de soutien. Il a été impossible de surmonter la situation sans aide, en plus d’affirmer que si la communauté internationale n’intervient pas, les niveaux d’insécurité actuels accentueront un processus d’autodestruction dans lequel Haïti semble être plongé.

Le conflit entre Haïti et la République Dominicaine a un impact important sur la population locale des deux pays. De nombreuses entreprises dominicaines basent leurs activités sur le commerce avec Haïti, de sorte que la fermeture des frontières met en danger de nombreux emplois. À cela s’ajoutent les nombreux journaliers haïtiens dont dépendent une autre poignée d’entreprises. Sur les près de 500 000 Haïtiens qui résident en République dominicaine, environ 5 % n’ont pas de permis de séjour, mettant en évidence l’insécurité et la vulnérabilité d’un secteur important de la population de l’île. Regarder en arrière pour en savoir plus sur les conflits et accords antérieurs pourrait être le seul moyen de résoudre ce conflit difficile.